Au pied des célèbres montagnes Où le Pô s'échappant de dessous ses roseaux, Va dans le sein des prochaines campagnes Promener ses naissantes eaux, vivait un jeune et vaillant Prince, Les délices de sa Province : Le ciel, en le formant, sur lui tout à la fois Versa ce qu'il a de plus rare, Ce qu'entre ses amis d'ordinaire il sépare, Et qu'il ne donne qu'aux grands Rois.
Comblé de tous les dons et du corps et de l'âme, Il fut robuste, adroit, propre au métier de Mars, Et par l'instinct secret d'une divine flamme, Avec ardeur il aima les beaux Arts. Il aima les combats, il aima la victoire, Les grands projets, les actes valeureux, Et tout ce qui fait vivre un beau nom dans l'histoire ; Mais son cœur tendre et généreux Fut encor plus sensible à la solide gloire De rendre ses Peuples heureux.
Ce tempérament héroïque Fut obscurci d'une sombre vapeur Qui, chagrine et mélancolique, Lui faisait voir dans le fond de son cœur Tout le beau sexe infidèle et trompeur :
Dans la femme où brillait le plus rare mérite, Il voyait une âme hypocrite, Un esprit d'orgueil enivré, Un cruel ennemi qui sans cesse n'aspire Qu'à prendre un souverain empire Sur l'homme malheureux qui lui sera livré.
Le fréquent usage du monde, Où l'on ne voit qu'Époux subjugués ou trahis, Joint à l'air jaloux du Pays, Accrut encor cette haine profonde. Il jura donc plus d'une fois Que quand même le Ciel pour lui plein de tendresse Formerait une autre Lucrèce, Jamais de l'hyménée il ne suivrait les lois.
Ainsi, quand le matin, qu'il donnait aux affaires, Il avait réglé sagement Toutes les choses nécessaires Au bonheur du gouvernement, Que du faible orphelin, de la veuve oppressée, Il avait conservé les droits, Ou banni quelque impôt qu'une guerre forcée Avait introduit autrefois, L'autre moitié de la journée À la chasse était destinée, Où les Sangliers et les Ours, Malgré leur fureur et leurs armes Lui donnaient encor moins d'alarmes Que le sexe charmant qu'il évitait toujours.
Cependant ses sujets que leur intérêt presse De s'assurer d'un successeur Qui les gouverne un jour avec même douceur, À leur donner un fils le conviaient sans cesse. Un jour dans le Palais ils vinrent tous en corps Pour faire leurs derniers efforts ; Un Orateur d'une grave apparence, Et le meilleur qui fût alors, Dit tout ce qu'on peut dire en pareille occurrence. Il marqua leur désir pressant De voir sortir du Prince une heureuse lignée Qui rendît à jamais leur État florissant ; Il lui dit même en finissant Qu'il voyait un Astre naissant Issu de son chaste hyménée Qui faisait pâlir le Croissant.
D'un ton plus simple et d'une voix moins forte, Le Prince à ses sujets répondit de la sorte :
Le zèle ardent, dont je vois qu'en ce jour Vous me portez aux noeuds du mariage, Me fait plaisir et m'est de votre amour Un agréable témoignage ; J'en suis sensiblement touché, Et voudrais dès demain pouvoir vous satisfaire : Mais à mon sens l'hymen est une affaire Où plus l'homme est prudent, plus il est empêché.
Observez bien toutes les jeunes filles ; Tant qu'elles sont au sein de leurs familles, Ce n'est que vertu, que bonté, Que pudeur que sincérité, Mais sitôt que le mariage Au déguisement a mis fin Et qu'ayant fixé leur destin Il n'importe plus d'être sage, Elles quittent leur personnage, Non sans avoir beaucoup pâti, Et chacune dans son ménage Selon son gré prend son parti.
L'une d'humeur chagrine, et que rien ne récrée, Devient une Dévote outrée, Qui crie et gronde à tous moments ; L'autre se façonne en Coquette Qui sans cesse écoute ou caquette, Et n'a jamais assez d'Amants ; Celle-ci des beaux Arts follement curieuse, De tout décide avec hauteur Et critiquant le plus habile Auteur Prend la forme de Précieuse ; Cette autre s'érige en Joueuse, Perd tout, argent, bijoux, bagues, meubles de prix, Et même jusqu'à ses habits.
Dans la diversité des routes qu'elles tiennent, Il n'est qu'une chose où je vois Qu'enfin toutes elles conviennent, C'est de vouloir donner la loi. Or je suis convaincu que dans le mariage On ne peut jamais vivre heureux, Quand on y commande tous deux ; Si donc vous souhaitez qu'à l'hymen je m'engage, Cherchez une jeune beauté Sans orgueil et sans vanité, D'une obéissance achevée, D'une patience éprouvée, Et qui n'ait point de volonté, Je la prendrai quand vous l'aurez trouvée. Le Prince ayant mis fin à ce discours moral, Monte brusquement à cheval, Et court joindre à perte d'haleine Sa meute qui l'attend au milieu de la plaine.
Après avoir passé des prés et des guérets, Il trouve ses Chasseurs couchés sur l'herbe verte ; Tous se lèvent et tous alertes Font trembler de leurs cors les hôtes des forêts. Des chiens courants l'aboyante famille, Deçà, delà, parmi le chaume brille, Et les limiers à l'oeil ardent Qui du fort de la Bête à leur poste reviennent, Entraînent en les regardant Les forts valets qui les retiennent.
S'étant instruit par un des siens Si tout est prêt, si l'on est sur la trace, Il ordonne aussitôt qu'on commence la chasse, Et fait donner le Cerf aux chiens. Le son des cors qui retentissent, Le bruit des chevaux qui hennissent Et des chiens animés les pénétrants abois, Remplissent la forêt de tumulte et de trouble, Et pendant que l'écho sans cesse les redouble, S'enfoncent avec eux dans les plus creux du bois.
Le Prince, par hasard ou par sa destinée, Prit une route détournée Où nul des Chasseurs ne le suit ; Plus il court, plus il s'en sépare : Enfin à tel point il s'égare Que des chiens et des cors il n'entend plus le bruit.
L'endroit où le mena sa bizarre aventure, Clair de ruisseaux et sombre de verdure, Saisissait les esprits d'une secrète horreur ; La simple et naïve Nature S'y faisait voir et si belle et si pure, Que mille fois il bénit son erreur
Rempli des douces rêveries Qu'inspirent les grands bois, les eaux et les prairies, Il sent soudain frapper et son cœur et ses yeux Par l'objet le plus agréable, Le plus doux et le plus aimable Qu'il eût jamais vu sous les Cieux.
C'était une jeune Bergère Qui filait aux bords d'un ruisseau, Et qui conduisant son troupeau, D'une main sage et ménagère Tournait son agile fuseau.
Elle aurait pu dompter les cœurs les plus sauvages ; Des lys, son teint a la blancheur Et sa naturelle fraîcheur S'était toujours sauvée à l'ombre des bocages : Sa bouche, de l'enfance avait tout l'agrément, Et ses yeux qu'adoucit une brune paupière, Plus bleus que n'est le firmament, Avaient aussi plus de lumière.
Le Prince, avec transport, dans le bois se glissant, Contemple les beautés dont son âme est émue, Mais le bruit qu'il fait en passant De la Belle sur lui fit détourner la vue ; Dès qu'elle se vit aperçue, D'un brillant incarnat la prompte et vive ardeur De son beau teint redoubla la splendeur, Et sur son visage épandue, Y fit triompher la pudeur.
Sous le voile innocent de cette honte aimable, Le Prince découvrit une simplicité, Une douceur, une sincérité, Dont il croyait le beau sexe incapable, Et qu'il voit là dans toute leur beauté.
Saisi d'une frayeur pour lui toute nouvelle, Il s'approche interdit, et plus timide qu'elle, Lui dit d'une tremblante voix, Que de tous ses veneurs il a perdu la trace, Et lui demande si la chasse N'a point passé quelque part dans le bois.
Rien na paru, Seigneur dans cette solitude, Dit-elle, et nul ici que vous seul n'est venu ; Mais n'ayez point d'inquiétude, Je remettrai vos pas sur un chemin connu.
De mon heureuse destinée Je ne puis, lui dit-il, trop rendre grâce aux Dieux ; Depuis longtemps je fréquente ces lieux, Mais j'avais ignoré jusqu'à cette journée Ce qu'ils ont de plus précieux.
Dans ce temps elle voit que le Prince se baisse Sur le moite bord du ruisseau, Pour étancher dans le cours de son eau La soif ardente qui le presse. Seigneur, attendez un moment, Dit-elle, et courant promptement Vers sa cabane, elle y prend une tasse Qu'avec joie et de bonne grâce, Elle présente à ce nouvel Amant.
Les vases précieux de cristal et d'agate Où l'or en mille endroits éclate, Et qu'un Art curieux avec soin façonna, N'eurent jamais pour lui, dans leur pompe inutile, Tant de beauté que le vase d'argile Que la Bergère lui donna.
Cependant pour trouver une route facile Qui mène le Prince à la Ville, Ils traversent des bois, des rochers escarpés Et de torrents entrecoupés ; Le Prince n'entre point dans de route nouvelle Sans en bien observer tous les lieux d'alentour Et son ingénieux Amour Qui songeait au retour En fit une carte fidèle.
Dans un bocage sombre et frais Enfin la Bergère le mène, Où de dessous ses branchages épais Il voit au loin dans le sein de la plaine Les toits dorés de son riche Palais.
S'étant séparé de la Belle, Touché d'une vive douleur, À pas lents il s'éloigne d'Elle, Chargé du trait qui lui perce le cœur ; Le souvenir de sa tendre aventure Avec plaisir le conduisit chez lui. Mais dès le lendemain il sentit sa blessure, Et se vit accablé de tristesse et d'ennui.
Dès qu'il le peut il retourne à la chasse, Où de sa suite adroitement Il s'échappe et se débarrasse Pour s'égarer heureusement. Des arbres et des monts les cimes élevées, Qu'avec grand soin il avait observées, Et les avis secrets de son fidèle Amour, Le guidèrent si bien que malgré les traverses De cent routes diverses, De sa jeune Bergère il trouva le séjour.
Il sut qu'elle n'a plus que son Père avec elle, Que Griselidis on l'appelle, Qu'ils vivent doucement du lait de leurs brebis, Et que de leur toison qu'elle seule elle file, Sans avoir recours à la ville, Ils font eux-mêmes leurs habits.
Plus il la voit, plus il s'enflamme Des vives beautés de son âme Il connaît en voyant tant de dons précieux, Que si la Bergère est si belle, C'est qu'une légère étincelle De l'esprit qui l'anime a passé dans ses yeux.
Il ressent une joie extrême D'avoir si bien placé ses premières amours ; Ainsi sans plus tarder il fit dès le jour même Assembler son Conseil et lui tint ce discours :
Enfin aux Lois de l'Hyménée Suivant vos voeux je me vais engager ; Je ne prends point ma femme en Pays étranger, Je la prends parmi vous, belle, sage, bien née, Ainsi que mes aïeux ont fait plus d'une fois.
Mais j'attendrai cette grande journée A vous informer de mon choix. Dès que la nouvelle fut sue, Partout elle fut répandue. On ne peut dire avec combien d'ardeur L'allégresse publique De tous côtés s'explique ; Le plus content fut l'Orateur, Qui par son discours pathétique Croyait d'un si grand bien être l'unique Auteur Qu'il se trouvait homme de conséquence ! Rien ne peut résister à la grande éloquence, Disait-il sans cesse en son cœur
Le plaisir fut de voir le travail inutile Des Belles de toute la Ville Pour s'attirer et mériter le choix Du Prince leur Seigneur qu'un air chaste et modeste Charmait uniquement et plus que tout le reste, Ainsi qu'il l'avait dit cent fois.
D'habit et de maintien toutes elles changèrent, D'un ton dévot elles toussèrent, Elles radoucirent leurs voix, De demi-pied les coiffures baissèrent, La gorge se couvrit, les manches s'allongèrent, À peine on leur voyait le petit bout des doigts.
Dans la Ville avec diligence, Pour l'Hymen dont le jour s'avance, On voit travailler tous les Arts : Ici se font de magnifiques chars D'une forme toute nouvelle, Si beaux et si bien inventés, Que l'or qui partout étincelle En fait la moindre des beautés. Là pour voir aisément et sans aucun obstacle Toute la pompe du spectacle, On dresse de longs échafauds, Ici de grands Arcs triomphaux Où du Prince guerrier se célèbre la gloire, Et de l'Amour sur lui l'éclatante victoire.
Là, sont forgés d'un art industrieux, Ces feux qui par les coups d'un innocent tonnerre, En effrayant la Terre, De mille astres nouveaux embellissent les Cieux. Là d'un ballet ingénieux Se concerte avec soin l'agréable folie, Et là d'un Opéra peuplé de mille Dieux, Le plus beau que jamais ait produit l'Italie, On entend répéter les airs mélodieux.
Enfin, du fameux Hyménée, Arriva la grande journée.
Sur le fond d'un Ciel vif et pur À peine l'Aurore vermeille Confondait l'or avec l'azur, Que partout en sursaut le beau sexe s'éveille ; Le Peuple curieux s'épand de tous côtés, En différents endroits des Gardes sont postés Pour contenir la Populace, Et la contraindre à faire place. Tout le Palais retentit de clairons, De flûtes, de hautbois, de rustiques musettes, Et l'on n'entend aux environs Que des tambours et des trompettes.
Enfin le Prince sort entouré de sa Cour Il s'élève un long cri de joie, Mais on est bien surpris quand au premier détour, De la Forêt prochaine on voit qu'il prend la voie, Ainsi qu'il faisait chaque jour. Voilà, dit-on, son penchant qui l'emporte, Et de ses passions, en dépit de l'Amour, La Chasse est toujours la plus forte.
Il traverse rapidement Les guérets de la plaine et gagnant la montagne, Il entre dans le bois au grand étonnement De la Troupe qui l'accompagne.
Après avoir passé par différents détours, Que son cœur amoureux se plaît à reconnaître, Il trouve enfin la cabane champêtre, Où logent ses tendres amours.
Griselidis de l'Hymen informée, Par la voix de la Renommée, En avait pris son bel habillement ; Et pour en aller voir la pompe magnifique, De dessous sa case rustique Sortait en ce même moment.
Où courez-vous si prompte et si légère ? Lui dit le Prince en l'abordant Et tendrement la regardant ; Cessez de vous hâter trop aimable Bergère : La noce où vous allez, et dont je suis l'Epoux, Ne saurait se faire sans vous.
Oui, je vous aime, et je vous ai choisie Entre mille jeunes beautés, Pour passer avec vous le reste de ma vie, Si toutefois mes voeux ne sont pas rejetés. Ah ! dit-elle, Seigneur je n'ai garde de croire Que je sois destinée à ce comble de gloire ; Vous cherchez à vous divertir. Non, non, dit-il, je suis sincère, J'ai déjà pour moi votre Père (Le Prince avait eu soin de l'en faire avertir). Daignez, Bergère, y consentir, C'est là tout ce qui reste à faire. Mais afin qu'entre nous une solide paix Éternellement se maintienne, Il faudrait me jurer que vous n'aurez jamais D'autre volonté que la mienne.
Je le jure, dit-elle, et je vous le promets ; Si j'avais épousé le moindre du Village, J'obéirais, son joug me serait doux ; Hélas ! combien donc davantage, Si je viens à trouver en vous Et mon Seigneur et mon Epoux.
Ainsi le Prince se déclare, Et pendant que la Cour applaudit à son choix, Il porte la Bergère à souffrir qu'on la pare Des ornements qu'on donne aux Épouses des Rois. Celles qu'à cet emploi leur devoir intéresse Entrent dans la cabane, et là diligemment Mettent tout leur savoir et toute leur adresse À donner de la grâce à chaque ajustement.
Dans cette Hutte où l'on se presse Les Dames admirent sans cesse Avec quel art la Pauvreté S'y cache sous la Propreté ; Et cette rustique Cabane,
Que couvre et rafraîchit un spacieux Platane, Leur semble un séjour enchanté.
Enfin, de ce Réduit sort pompeuse et brillante La Bergère charmante ; Ce ne sont qu'applaudissements Sur sa beauté, sur ses habillements ; Mais sous cette pompe étrangère Déjà plus d'une fois le Prince a regretté Des ornements de la Bergère L'innocente simplicité.
Sur un grand char d'or et d'ivoire, La Bergère s'assied pleine de majesté ; Le Prince y monte avec fierté, Et ne trouve pas moins de gloire À se voir comme Amant assis à son côté Qu'à marcher en triomphe après une victoire ; La Cour les suit et tous gardent leur rang Que leur donne leur charge ou l'éclat de leur sang. La ville dans les champs presque toute sortie Couvrait les plaines d'alentour Et du choix du Prince avertie, Avec impatience attendait son retour. Il paraît, on le joint. Parmi l'épaisse foule Du Peuple qui se fend le char à peine roule ; Par les longs cris de joie à tout coup redoublés Les chevaux émus et troublés Se cabrent, trépignent, s'élancent, Et reculent plus qu'ils n'avancent.
Dans le Temple on arrive enfin, Et là par la chaîne éternelle D'une promesse solennelle, Les deux Époux unissent leur destin ; Ensuite au Palais ils se rendent, Où mille plaisirs les attendent, Où la Danse, les Jeux, les Courses, les Tournois,
Répandent l'allégresse en différents endroits ; Sur le soir le blond Hyménée De ses chastes douceurs couronna la journée.
Le lendemain, les différents États De toute la Province Accourent haranguer la Princesse et le Prince Par la voix de leurs Magistrats.
De ses Dames environnée, Griselidis, sans paraître étonnée, En Princesse les entendit, En Princesse leur répondit. Elle fit toute chose avec tant de prudence, Qu'il sembla que le Ciel eût versé ses trésors Avec encor plus d'abondance Sur son âme que sur son corps. Par son esprit, par ses vives lumières, Du grand monde aussitôt elle prit les manières, Et même dès le premier jour. Des talents, de l'humeur des Dames de sa Cour, Elle se fit si bien instruire, Que son bon sens jamais embarrassé Eut moins de peine à les conduire Que ses brebis du temps passé.
Avant la fin de l'an, des fruits de l'Hyménée Le Ciel bénit leur couche fortunée ; Ce ne fut pas un Prince, on l'eût bien souhaité ; Mais la jeune Princesse avait tant de beauté Que l'on ne songea plus qu'à conserver sa vie ; Le Père qui lui trouve un air doux et charmant La venait voir de moment en moment, Et la Mère encor plus ravie La regardait incessamment.
Elle voulut la nourrir elle-même : Ah ! dit-elle, comment m'exempter de l'emploi
Que ses cris demandent de moi Sans une ingratitude extrême ? Par un motif de Nature ennemi Pourrais-je bien vouloir de mon Enfant que j'aime N'être la Mère qu'à demi ?
Soit que le Prince eût l'âme un peu mois enflammée Qu'aux premiers jours de son ardeur, Soit que de sa maligne humeur La masse se fût rallumée, Et de son épaisse fumée Eût obscurci ses sens et corrompu son cœur Dans tout ce que fait la Princesse, Il s'imagine voir peu de sincérité. Sa trop grande vertu le blesse, C'est un piège qu'on tend à sa crédulité ; Son esprit inquiet et de trouble agité Croit tous les soupçons qu'il écoute, Et prend plaisir à révoquer en doute L'excès de sa félicité.
Pour guérir les chagrins dont son âme est atteinte, Il la suit, il l'observe, il aime à la troubler Par les ennuis de la contrainte, Par les alarmes de la crainte, Par tout ce qui peut démêler La vérité d'avec la feinte. C'est trop, dit-il, me laisser endormir ; Si ses vertus sont véritables, Les traitements les plus insupportables Ne feront que les affermir.
Dans son Palais il la tient resserrée, Loin de tous les plaisirs qui naissent à la Cour Et dans sa chambre, où seule elle vit retirée, À peine il laisse entrer le jour Persuadé que la Parure Et le superbe Ajustement
Du sexe que pour plaire a formé la Nature Est le plus doux enchantement Il lui demande avec rudesse Les perles, les rubis, les bagues, les bijoux Qu'il lui donna pour marque de tendresse, Lorsque de son Amant il devint son Époux.
Elle dont la vie est sans tache, Et qui n'a jamais eu d'attache Qu'à s'acquitter de son devoir, Les lui donne sans s'émouvoir Et même, le voyant se plaire à les reprendre, N'a pas moins de joie à les rendre Qu'elle en eut à les recevoir
Pour m'éprouver mon Époux me tourmente, Dit-elle, et je vois bien qu'il ne me fait souffrir Qu'afin de réveiller ma vertu languissante, Qu'un doux et long repos pourrait faire périr. S'il n'a pas ce dessein, du moins suis-je assurée Que telle est du Seigneur la conduite sur moi Et que de tant de maux l'ennuyeuse durée N'est que pour exercer ma constance et ma foi.
Pendant que tant de malheureuses Errent au gré de leurs désirs Par mille routes dangereuses, Après de faux et vains plaisirs ; Pendant que le Seigneur dans sa lente justice Les laisse aller aux bords du précipice Sans prendre part à leur danger, Par un pur mouvement de sa bonté suprême, Il me choisit comme un enfant qu'il aime, Et s'applique à me corriger.
Aimons donc sa rigueur utilement cruelle, On n'est heureux qu'autant qu'on a souffert, Aimons sa bonté paternelle Et la main dont elle se sert.
Le Prince a beau la voir obéir sans contrainte À tous ses ordres absolus : Je vois le fondement de cette vertu feinte, Dit-il, et ce qui rend tous mes coups superflus, C'est qu'ils n'ont porté leur atteinte Qu'à des endroits où son amour n'est plus.
Dans son Enfant, dans la jeune Princesse, Elle a mis toute sa tendresse ; À l'éprouver si je veux réussir, C'est là qu'il faut que je m'adresse, C'est là que je puis m'éclaircir
Elle venait de donner la mamelle Au tendre objet de son amour ardent, Qui couché sur son sein se jouait avec elle, Et riait en la regardant : Je vois que vous l'aimez, lui dit-il, cependant Il faut que je vous l'ôte en cet âge encor tendre, Pour lui former les moeurs et pour la préserver De certains mauvais airs qu'avec vous l'on peut prendre ; Mon heureux sort m'a fait trouver Une Dame d'esprit qui saura l'élever Dans toutes les vertus et dans la politesse Que doit avoir une Princesse. Disposez-vous à la quitter, On va venir pour l'emporter
Il la laisse à ces mots, n'ayant pas le courage, Ni les yeux assez inhumains, Pour voir arracher de ses mains De leur amour l'unique gage ; Elle de mille pleurs se baigne le visage, Et dans un morne accablement Attend de son malheur le funeste moment.
Dès que d'une action si triste et si cruelle Le ministre odieux à ses yeux se montra,
Il faut obéir lui dit-elle ; Puis prenant son Enfant qu'elle considéra, Qu'elle baisa d'une ardeur maternelle, Qui de ses petits bras tendrement la serra, Toute en pleurs elle le livra. Ah ! que sa douleur fut amère ! Arracher l'enfant ou le cœur Du sein d'une si tendre Mère, C'est la même douleur
Près de la Ville était un Monastère, Fameux par son antiquité, Où des Vierges vivaient dans une règle austère, Sous les yeux d'une Abbesse illustre en piété. Ce fut là que dans le silence, Et sans déclarer sa naissance, On déposa l'Enfant, et des bagues de prix, Sous l'espoir d'une récompense Digne des soins que l'on en aurait pris.
Le Prince qui tâchait d'éloigner par la chasse Le vif remords qui l'embarrasse Sur l'excès de sa cruauté, Craignait de revoir la Princesse, Comme on craint de revoir une fière Tigresse À qui son faon vient d'être ôté ; Cependant il en fut traité Avec douceur avec caresse, Et même avec cette tendresse Qu'elle eut aux plus beaux jours de sa prospérité.
Par cette complaisance et si grande et si prompte, Il fut touché de regret et de honte ; Mais son chagrin demeura le plus fort : Ainsi, deux jours après, avec des larmes feintes, Pour lui porter encor de plus vives atteintes, Il lui vint dire que la Mort De leur aimable Enfant avait fini le sort.
Ce coup inopiné mortellement la blesse, Cependant malgré sa tristesse, Ayant vu son Époux qui changeait de couleur Elle parut oublier son malheur Et n'avoir même de tendresse Que pour le consoler de sa fausse douleur
Cette bonté, cette ardeur sans égale D'amitié conjugale, Du Prince tout à coup désarmant la rigueur Le touche, le pénètre et lui change le cœur Jusque-là qu'il lui prend envie De déclarer que leur Enfant Jouit encore de la vie ; Mais sa bile s'élève et fière lui défend De rien découvrir du mystère Qu'il peut être utile de taire.
Dès ce bienheureux jour telle des deux Époux Fut la mutuelle tendresse, Qu'elle n'est point plus vive aux moments les plus doux Entre l'Amant et la Maîtresse.
Quinze fois le Soleil, pour former les saisons, Habita tour à tour dans ses douze maisons, Sans rien voir qui les désunisse ; Que si quelquefois par caprice Il prend plaisir à la fâcher C'est seulement pour empêcher Que l'amour ne se ralentisse, Tel que le Forgeron qui pressant son labeur Répand un peu d'eau sur la braise De sa languissante fournaise Pour en redoubler la chaleur
Cependant la jeune Princesse Croissait en esprit et en sagesse ; À la douceur à la naïveté
Qu'elle tenait de son aimable Mère, Elle joignit de son illustre Père L'agréable et noble fierté ; L'amas de ce qui plaît dans chaque caractère Fit une parfaite beauté.
Partout comme un Astre elle brille ; Et par hasard un Seigneur de la Cour Jeune, bien fait et plus beau que le jour L'ayant vu paraître à la grille, Conçut pour elle un violent amour Par l'instinct qu'au beau sexe a donné la Nature,
Et que toutes les beautés ont De voir l'invisible blessure Que font leurs yeux, au moment qu'ils la font, La Princesse fut informée Qu'elle était tendrement aimée.
Après avoir quelque temps résisté Comme on le doit avant que de se rendre, D'un amour également tendre Elle l'aima de son côté.
Dans cet Amant, rien n'était à reprendre, Il était beau, vaillant, né d'illustres aïeux Et dès longtemps pour en faire son Gendre. Sur lui le Prince avait jeté les yeux. Ainsi donc avec joie il apprit la nouvelle De l'ardeur tendre et mutuelle Dont brûlaient ces jeunes Amants ; Mais il lui prit une bizarre envie De leur faire acheter par de cruels tourments Le plus grand bonheur de leur vie.
Je me plairai, dit-il, à les rendre contents ; Mais il faut que l'Inquiétude, Par tout ce qu'elle a de plus rude,
Rende encor leurs feux plus constants ; De mon Épouse en même temps J'exercerai la patience, Non point, comme jusqu'à ce jour, Pour assurer ma folle défiance, Je ne dois plus douter de son amour ; Mais pour faire éclater aux yeux de tout le Monde Sa Bonté, sa Douceur sa Sagesse profonde, Afin que de ces dons si grands, si précieux, La Terre se voyant parée, En soit de respect pénétrée, Et par reconnaissance en rende grâce aux Cieux.
Il déclare en public que manquant de lignée, En qui l'État un jour retrouve son Seigneur, Que la fille qu'il eut de son fol hyménée Étant morte aussitôt que née, Il doit ailleurs chercher plus de bonheur ; Que l'Épouse qu'il prend est d'illustre naissance, Qu'en un Couvent on l'a jusqu'à ce jour Fait élever dans l'innocence, Et qu'il va par l'hymen couronner son amour.
On peut juger à quel point fut cruelle Aux deux jeunes Amants cette affreuse nouvelle ; Ensuite, sans marquer ni chagrin, ni douleur, Il avertit son Épouse fidèle Qu'il faut qu'il se sépare d'elle Pour éviter un extrême malheur ; Que le Peuple indigné de sa basse naissance Le force à prendre ailleurs une digne alliance.
Il faut, dit-il, vous retirer Sous votre toit de chaume et de fougère Après avoir repris vos habits de Bergère Que je vous ai fait préparer
Avec une tranquille et muette constance, La Princesse entendit prononcer sa sentence ; Sous les dehors d'un visage serein Elle dévorait son chagrin, Et sans que la douleur diminuât ses charmes, De ses beaux yeux tombaient de grosses larmes, Ainsi que quelquefois au retour du Printemps, Il fait Soleil et pleut en même temps.
Vous êtes mon Époux, mon Seigneur et mon Maître (Dit-elle en soupirant, prête à s'évanouir), Et quelque affreux que soit ce que je viens d'ouïr Je saurai vous faire connaître Que rien ne m'est si cher que de vous obéir
Dans sa chambre aussitôt seule elle se retire, Et là se dépouillant de ses riches habits, Elle reprend paisible et sans rien dire, Pendant que son cœur en soupire, Ceux qu'elle avait en gardant ses brebis. En cet humble et simple équipage, Elle aborde le Prince et lui tient ce langage :
Je ne puis m'éloigner de vous Sans le pardon d'avoir su vous déplaire ; Je puis souffrir le poids de ma misère, Mais je ne puis, Seigneur, souffrir votre courroux ; Accordez cette grâce à mon regret sincère, Et je vivrai contente en mon triste séjour Sans que jamais le Temps altère Ni mon humble respect, ni mon fidèle amour.
Tant de soumission et tant de grandeur d'âme Sous un si vil habillement, Qui dans le cœur du Prince en ce même moment Réveilla tous les traits de sa première flamme, Allaient casser l'arrêt de son bannissement. Ému par de si puissants charmes,
Et prêt à répandre des larmes, Il commençait à s'avancer Pour l'embrasser, Quant tout à coup l'impérieuse gloire D'être ferme en son sentiment Sur son amour remporta la victoire, Et le fit en ces mots répondre durement :
De tout le temps passé j'ai perdu la mémoire, Je suis content de votre repentir Allez, il est temps de partir
Elle part aussitôt, et regardant son Père Qu'on avait revêtu de son rustique habit, Et qui, le cœur percé d'une douleur amère, Pleurait un changement si prompt et si subit : Retournons, lui dit-elle, en nos sombres bocages, Retournons habiter nos demeures sauvages, Et quittons sans regret la pompe des Palais ; Nos cabanes n'ont pas tant de magnificence, Mais on y trouve avec plus d'innocence, Un plus ferme repos, une plus douce paix.
Dans son désert à grand-peine arrivée, Elle reprend et quenouille et fuseaux, Et va filer au bord des mêmes eaux Où le Prince l'avait trouvée. Là son cœur tranquille et sans fiel Cent fois le jour demande au Ciel Qu'il comble son poux de gloire, de richesses, Et qu'à tous ses désirs il ne refuse rien ; Un amour nourri de caresses N'est pas plus ardent que le sien.
Ce cher Époux qu'elle regrette Voulant encore l'éprouver Lui fait dire dans sa retraite Qu'elle ait à venir le trouver.
Griselidis, dit-il, dès qu'elle se présente, Il faut que la Princesse à qui je dois demain Dans le Temple donner la main, De vous et de moi soit contente. Je vous demande ici tous vos soins, et je veux Que vous m'aidiez à plaire à l'objet de mes voeux ; Vous savez de quel air il faut que l'on me serve, Point d'épargne, point de réserve ; Que tout sente le Prince, et le Prince amoureux.
Employez toute votre adresse À parer son appartement, Que l'abondance, la richesse, La propreté, la politesse S'y fassent voir également ; Enfin songez incessamment Que c'est une jeune Princesse Que j'aime tendrement.
Pour vous faire entrer davantage Dans les soins de votre devoir, Je veux ici vous faire voir Celle qu'à bien servir mon ordre vous engage.
Telle qu'aux Portes du Levant Se montre la naissante Aurore, Telle parut en arrivant La Princesse plus belle encore. Griselidis à son abord Dans le fond de son cœur sentit un doux transport De la tendresse maternelle ; Du temps passé, de ses jours bienheureux, Le souvenir en son cœur se rappelle. Hélas ! ma fille, en soi-même dit-elle, Si le Ciel favorable eût écouté mes voeux, Serait presque aussi grande, et peut-être aussi belle.
Pour la jeune Princesse en ce même moment Elle prit un amour si vif, si véhément, Qu'aussitôt qu'elle fut absente, En cette sorte au Prince elle parla, Suivant, sans le savoir, l'instinct qui s'en mêla :
Souffrez, Seigneur, que je vous représente Que cette Princesse charmante, Dont vous allez être l'Époux, Dans l'aise, dans l'éclat, dans la pourpre nourrie, Ne pourra supporter sans en perdre la vie, Les mêmes traitements que j'ai reçus de vous. Le besoin, ma naissance obscure, M'avaient endurcie aux travaux. Et je pouvais souffrir toutes sortes de maux Sans peine et même sans murmure ; Mais elle qui jamais n'a connu la douleur Elle mourra dès la moindre rigueur, Dès la moindre parole un peu sèche, un peu dure. Hélas ! Seigneur je vous conjure De la traiter avec douceur.
Songez, lui dit le Prince avec un ton sévère, A me servir selon votre pouvoir ; Il ne faut pas qu'une simple Bergère Fasse des leçons, et s'ingère De m'avertir de mon devoir Griselidis, à ces mots, sans rien dire, Baisse les yeux et se retire.
Cependant pour l'Hymen les Seigneurs invités, Arrivèrent de tous côtés ; Dans une magnifique salle Où le Prince les assembla Avant que d'allumer la torche nuptiale, En cette sorte il leur parla :
Rien au monde, après l'Espérance, N'est plus trompeur que l'Apparence ; Ici l'on en peut voir un exemple éclatant. Qui ne croirait que ma jeune Maîtresse, Que l'Hymen va rendre Princesse, Ne soit heureuse et n'ait le cœur content ? Il n'en est rien pourtant.
Qui pourrait s'empêcher de croire Que ce jeune Guerrier amoureux de la gloire N'aime à voir cet Hymen, lui qui dans les Tournois Va sur tous ses Rivaux remporter la victoire ? Cela n'est pas vrai toutefois.
Qui ne croirait encor qu'en sa juste colère, Griselidis ne pleure et ne se désespère ? Elle ne se plaint point, elle consent à tout, Et rien n'à pu pousser sa patience à bout.
Qui ne croirait enfin que de ma destinée Rien ne peut égaler la course fortunée, En voyant les appas de l'objet de mes voeux ? Cependant si l'Hymen me liait de ses noeuds, J'en concevrais une douleur profonde, Et de tous les Princes du Monde Je serais le plus malheureux.
L'Énigme vous paraît difficile à comprendre ; Deux mots vont vous la faire entendre, Et ces deux mots feront évanouir Tous les malheurs que vous venez d'ouïr.
Sachez, poursuivit-il, que l'aimable Personne Que vous croyez m'avoir blessé le cœur, Est ma Fille, et que je la donne Pour Femme à ce jeune Seigneur Qui l'aime d'un amour extrême Et dont il est aimé de même.
Sachez encor que touché vivement De la patience et du zèle De l'Épouse sage et fidèle Que j'ai chassée indignement, Je la reprends, afin que je répare, Par tout ce que l'amour peut avoir de plus doux, Le traitement dur et barbare Qu'elle a reçu de mon esprit jaloux.
Plus grande sera mon étude À prévenir tous ses désirs, Qu'elle ne fut dans mon inquiétude À l'accabler de déplaisirs ; Et si dans tous les temps doit vivre la mémoire Des ennuis dont son cœur ne fut point abattu, Je veux que plus encore on parle de la gloire Dont j'aurai couronné sa suprême vertu.
Comme quand un épais nuage A le jour obscurci, Et que le Ciel de toutes parts noirci, Menace d'un affreux orage ; Si de ce voile obscur par les vents écarté Un brillant rayon de clarté Se répand sur le paysage, Tout rit et reprend sa beauté ; Telle, dans tous les yeux où régnait la tristesse, Éclate tout à coup une vive allégresse.
Par ce prompt éclaircissement, La jeune Princesse ravie D'apprendre que du Prince elle a reçu la vie Se jette à ses genoux qu'elle embrasse ardemment. Son père qu'attendrit une fille si chère, La relève, la baise, et la mène à sa mère, À qui trop de plaisir en un même moment Était presque tout sentiment. Son cœur, qui tant de fois en proie
Aux plus cuisants traits du malheur, Supporta si bien la douleur, Succombe au doux poids de la joie ; À peine de ses bras pouvait-elle serrer L'aimable Enfant que le ciel lui renvoie, Elle ne pouvait que pleurer.
Assez dans d'autres temps vous pourrez satisfaire, Lui dit le Prince, aux tendresses du sang ; Reprenez les habits qu'exige votre rang, Nous avons des noces à faire.
Au Temple on conduisit les deux jeunes Amants, Où la mutuelle promesse De se chérir avec tendresse Affermit pour jamais leurs doux engagements. Ce ne sont que Plaisirs, que Tournois magnifiques, Que Jeux, que Danses, que Musiques, Et que Festins délicieux, Où sur Griselidis se tournent tous les yeux, Où sa patience éprouvée Jusque au Ciel est élevée Par mille éloges glorieux : Des Peuples réjouis la complaisance est telle Pour leur Prince capricieux, Qu'ils vont jusqu'à louer son épreuve cruelle, À qui d'une vertu si belle, Si séante au beau sexe, et si rare en tous lieux, On doit un si parfait modèle.